Musique quantique

Je vais faire une hypothèse audacieuse, et le futur nous dira.

J’ai l’intuition que la musique connecte avec la dimension quantique du réel et le wave function collapse d’une façon qu’on ne comprend pas encore.

Si on joue quelques notes, on obtient certaines informations sur l’espace de possibilités de la pièce. Par exemple si on entend Do Ré Sol, on ne sait pas encore comment sera le Mi, s’il sera bémol ou pas. L’espace des possibilités est grand ouvert. À mesure que certaines notes sont rencontrées, l’espace de possibilité se restreint et se précise. Si certaines notes sont enlevées, l’espace s’agrandit à nouveau.

Je crois que le cerveau humain est un ordinateur quantique qui est capable de percevoir plusieurs états possibles en simultané (je tire cette idée de Tim Palmer, The Primacy of Doubt). En présence d’une ambiguïté, les facultés de prédiction s’étendraient dans toutes les dimensions en même temps, dans des univers parallèles, comme un ordinateur quantique. Dans ma théorie, la «révélation» d’une nouvelle note de la gamme viendrait précipiter le wave function collapse, et nous renseigner sur l’état actuel du monde. Comme un moine qui regarde le Gange et qui remarque : il y a un tourbillon ici aujourd’hui, le vent souffle de ce côté en ce moment, l’auditeur.trice de musique remarque : le si est bémol aujourd’hui, le fa est dièse à cette heure du jour, et grâce à cela je peux prédire que telle et telle chose pourraient arriver.

La musique qu’on entend renvoie donc à un espace de probabilités futures qui est «devant» elle. À chaque instant les caractéristiques du présent musical délimitent un segment de cet espace dont la géométrie est en constante transformation. À l’extérieur de cet espace sont les événements qui n’ont aucune chance de se produire à la suite de ce qu’on entend actuellement. Je pense que ce qui cause directement les mouvements affectifs d’un morceau de musique, ce ne sont pas les notes en elles-mêmes, c’est plutôt la contraction, la dilatation, la sculpture et la manipulation de cet espace des possibilités sonores (positif, négatif, ouvert, fermé, etc.) C’est la fluctuation de l’espace des possibles futurs qui crée l’expérience affective, et les notes ne sont que le biseau pour sculpter cet espace.

Par exemple : Ré mineur en Do est souvent utilisé comme accord pivot, parce qu’il peut mener vers une résolution «paisible» (Ré min, Sol, Do) ou vers une résolution «triste» (Ré min, Mi, La min). Selon cette théorie, au moment où l’auditeur baigne dans l’harmonie du Ré mineur, ses facultés de perceptions quantiques le projettent dans ces deux univers parallèles en simultané, et lorsque le verdict tombe, il ou elle se «réveille» dans un de ces deux mondes, avec un sentiment que les choses n’auraient pas pu être autrement, et avec la connotation affective de l’une ou l’autre des résolutions.

La musique contemporaine et le jazz moderne ont tendance à saturer d’extensions et de chromatisme. Selon cette hypothèse, la raison pourquoi cette musique serait moins intéressante pour le grand public, ce serait parce qu’elle surcharge d’information harmonique, ce qui limite l’ambiguïté, et donc empêche le déploiement des facultés quantiques de l’auditeur.trice.